23 décembre 2025

Les articles des Bulletins Académiques

BA340 - L’IA au service de la pression managériale

"Une stratégie pour l’IA"
Lors de sa visite du salon Educatech Expo, le 21 novembre dernier, le ministre E. Geffray indiquait : « on a une stratégie pour l’IA en éducation ». Il indiquait alors que l’intelligence artificielle pouvait « servir aux progrès des élèves » et à la « remédiation ».
Des propos qui pourraient laisser penser que l’Éducation nationale se contenterait d’ajouter l’intelligence artificielle à sa panoplie d’outils et de dispositifs « périphériques » aux apprentissages, « au service » des missions de l’École publique.

IA partout...
En réalité, et même si des outils existent ou sont en développement concernant l’aide aux élèves, l’Éducation nationale déploie l’intelligence artificielle tous azimuts et invite toutes les catégories de personnel à l’exploiter. Webinaires, stages EAFC, "construction de situations d’enseignement et d’apprentissage prenant en compte la diversité des élèves", aide aux devoirs, parcours d’orientation, accompagnement des élèves en situation de handicap.... Toutes et tous, nous aurions à gagner à intégrer l’IA à nos pratiques pour « libérer du temps » (enfin !), et puis finalement, l’IA étant « déjà là » chez les élèves, nous n’aurions pas d’autres choix que de « nous y mettre ».

Autonomie nulle part ?
Bien sûr, le fait qu’E. Geffray ait été en charge de la DGESCO auprès de J.-M. Blanquer devrait suffire à mettre en alerte notre système immunitaire professionnel, voire à le saturer. Mais au-delà du parcours de l’actuel ministre, on peut s’inquiéter du refus de discuter, collectivement et démocratiquement, de l’usage de cette technologie dans l’éducation. Avec Juan Sebastian Carbonell, sociologue qui interviendra dans notre prochain stage sur les enjeux de l’IA dans l’éducation, nous poserons la question des risques que présente cette technologie pour nos métiers : intensification du travail, multiplication des missions, nouvelle organisation du travail qui vise à réduire (encore) l’autonomie professionnelle au profit des cheffes de service, à priver nos métiers de leur dimension créative pour les découper en tâches protocolisées… Face à la promesse de ce « taylorisme augmenté * », au service de la pression managériale, la résistance collective s’organise.

Jean-François Carémel

*Juan Sebastian Carbonell, Un taylorisme augmenté. Critique de l’intelligence artificielle. Editons Amsterdam, 2025.