11 janvier 2024

Le Snes-FSU dans l’Académie

Texte action voté à Lille par la CA académique du SNES-FSU le 11 janvier 2024

CONTEXTE

La CAA se déroule toujours dans un contexte international extrêmement tendu, en raison, notamment des attaques inacceptables du Hamas le 7 octobre et de la réaction israélienne disproportionnée et inhumaine contre les populations civiles palestiniennes ; la guerre sévit toujours en Ukraine après l’attaque russe.

a. En France, personne n’est dupe de l’opération de communication, minutieusement préparée et feuilletonnée, dont a fait l’objet le changement de gouvernement qui a organisé une Attalmania qui fera long feu à l’épreuve de la réalité.

Le choix des éléments de langage imposés par le Président de la République ne trompe personne : le "réarmement" et la "régénération" reprennent en creux l’obsession de la "décadence" supposée de la France, chère à la tradition de la droite la plus extrême.
 
Ils s’inscrivent donc dans la continuité de l’indigne loi "Immigration", adoptée avec les voix de l’extrême-droite qui en a inspiré les dispositions les plus odieuses : préférence nationale, privation des prestations sociales pour les étrangers en situation régulière et payant leurs cotisations, fin du droit du sol, par exemple. Loi contre laquelle le Snes, avec la FSU, appelle à manifester le 21 janvier, notamment à Lille, 10h30, Grand Place. Cette loi, si elle reste en l’état, aura aussi des conséquences sur la scolarisation de certains élèves par l’entrave à l’accès à un titre de séjour et l’aggravation des difficultés sociales.

Loin d’épuiser l’extrême droite, ces dérives contribuent à créditer le RN et à le mettre à la porte du pouvoir. Il appartient au mouvement syndical et à la FSU de prendre toutes ses responsabilités pour contrer cette menace et ouvrir d’autres perspectives.

b. Il n’y aura donc pas de nouveau cap pour la suite du quinquennat et pour l’action du nouveau gouvernement, puisque le centre de gravité de la majorité s’est encore plus déplacé depuis fin décembre à la conjonction de la droite conservatrice et de l’extrême-droite.

L’appel belliqueux au "réarmement" réaffirme simplement la volonté de poursuivre la politique de réformes résolument antisociales menée depuis 2017, en dépit d’un rapport de force politique défavorable à l’Assemblée Nationale.

c. En tant que Ministre de l’Éducation Nationale, G Attal s’était déjà chargé d’appliquer la feuille de route néolibérale d’E. Macron, en la teintant déjà d’annonces médiatiques et en poursuivant des chantiers salués notamment par l’extrême-droite : abaya, SNU, expérimentation de l’uniforme. G Attal s’est d’ailleurs refusé jusqu’au bout à condamner publiquement les pressions et attaques dont ont fait l’objet les personnels de la part de groupuscules comme les "parents vigilants" et/ou par la fachosphère.

Autant de réponses rétrogrades et par ailleurs inadéquates aux émeutes pour une jeunesse qu’il s’agit de domestiquer et non d’émanciper par l’Éducation

La réforme systémique du collège engagée pour la rentrée 2024 est d’ailleurs emblématique d’un renoncement assumé à la démocratisation, dans le prolongement du "continuum bac-3/bac+3" et des réformes Blanquer du lycée et du bac articulées sur Parcoursup.

d. La réduction de la dépense publique à l’horizon 2025, d’ores-et-déjà annoncée par B. Lemaire qui exige 12 milliards d’économies, confirme les orientations budgétaires et fiscales qui continueront de bénéficier aux ménages les plus riches et aux grandes entreprises. Elle est conforme aux exigences du Pacte de stabilité et de croissance Européen, dont les règles -mises entre parenthèses suite à la crise du Covid, menace la capacité du pays à investir massivement dans la transition écologique et les services publics.

e. C’est dans ce contexte que S. Guerini a déjà fait connaître les grandes lignes d’une nouvelle réforme de la Fonction Publique. Après la réforme TFP de 2019, destinée à affaiblir le paritarisme pour mieux isoler les agents et à augmenter le recours aux contractuel-les, il s’agit désormais de promouvoir la rémunération "au mérite". En réalité, l’objectif est de rompre l’égalité de traitement des fonctionnaires et d’encourager la mise en concurrence des personnels pour faire imploser le statut général de 1983. Dans l’Éducation Nationale, les nouvelles modalités d’accès à la classe exceptionnelle, sont une déclinaison d’un projet qui donnerait aux hiérarchies locales un levier de pilotage néomanagérial sur les carrières, et par contre-coups sur les métiers.

2) Une vision passéiste de la société qui disqualifie l’école publique

L’action gouvernementale est guidée par le souhait de complaire à la droite et l’extrême droite pour ne pas perdre le pouvoir aux prochaines élections ; en dépit de l’intérêt général, le gouvernement flatte les pensées réactionnaires et empreintes de nostalgie d’arrière garde d’une partie de l’opinion publique, qui en temps de crise, a perdu ses repères ; toutes les vieilles lunes, et solutions du café du commerce sont de retour dans un grand élan de repli sur soi : uniforme, jeunesse à mettre au pas par le SNU ou les stages seconde, machine éducative au service du tri social (parcourssup, réforme du bac et du lycée, DNB-barrière, groupes de niveau au collège, repli sur les "fondamentaux", affichage sur le doublement etc....), préférence nationale, etc. Cette politique d’annonces et de réformes tous azimuths sert en réalité à disqualifier l’école et à déstabiliser les personnels. Pire, ces dispositifs désorganisent les apprentissages ne serait-ce qu’en supprimant des heures de cours.
A rebours de ces fossoyeurs de l’école, il faut réaffirmer que nous avons besoin de « plus » et de « mieux » d’école.

3) Une société inégalitaire 

Dans le prolongement, la société dont semble rêver ce gouvernement est une société où les classes dominantes assujettissent le peuple. De rares individus méritants-alibi peuvent connaître une ascension sociale mais cela correspond au mieux à la théorie de l’égalité des chances, qui n’a rien à voir avec l’égalité réelle, qui est fondatrice de la république. Les réformes entreprises ou annoncées, notamment à l’éducation sont au service de cette vision de la société .

4) Une éducation réactionnaire

a. Trier, renoncer à la démocratisation :

La réforme systémique du collège engagée pour la rentrée 2024 est d’ailleurs emblématique d’un renoncement assumé à la démocratisation, dans le prolongement du "continuum bac-3/bac+3" et des réformes Blanquer du lycée et du bac articulées sur Parcoursup et où chaque élève est renvoyé à sa propre responsabilité d’un pseudo choix de parcours (sur lequel pèse évidemment l’environnement familial et social). Les groupes de niveau sont la matrice de cette idéologie du tri social qui impactera le profondément le fonctionnement des établissements. . La découverte des Métiers à partir de la 5e, une organisation variable des enseignements, la mise en place d’un filtre au moyen d’un DNB réformé répondent à cette logique de hiérarchisation précoce et définitive des parcours.

b. Soumettre : SNU, uniforme.

Loin d’un projet d’émancipation des élèves, il s’agit de les soumettre par l’uniforme, le SNU pour les aspects les plus visibles ; et de manière plus insidieuse en brandissant la menace permanente des notes, avec le contrôle continu, et donc d’un destin déjà scellé sans qu’ils ou elles ne puissent faire leurs preuves à l’examen.
De la même manière, ils sont trop souvent le jouet d’une politique de gestion des flux et d’une carte de formation au service des besoins économiques et patronaux .
 Que ce soit au collège ou au lycée, la disparition du groupe classe favorise également l’individualisation des élèves, à l’opposé des notions de solidarité qu’ils pourraient apprendre à l’école et mettre en œuvre.

c . Des personnels à soumettre

Déréglementation à tout va  : caporalisation ; mise en cause du statut

Ces réformes de l’éducation nationale ont toutes un point commun : elles mettent à mal les horaires nationaux et hebdomadaires et créent des dispositifs qui varieront d’un établissement à l’autre (carte des spécialités en lycée, horaires au collège etc.), abandonnant ainsi l’idée d’une éducation nationale. En revanche, au prétexte de contrer cette objection, avec des élèves issus de classes différentes et avec des cours différents, il faudrait aligner toutes les pratiques pédagogiques, les emplois du temps etc. Ces réformes sont donc un outil de management pour les personnels dont la liberté pédagogique sera très largement amputée. Cette caporalisation est une menace pour le statut ; on peut craindre à terme l’annualisation des horaires pour faire face à cette variation des horaires d’une semaine à l’autre.

Les personnels non-titulaires enseignants, CPE, Psy-EN subissent aussi la déréglementation avec un recrutement obscur mettant en concurrence CDD et CDI selon les disciplines et les besoins. 

Par ailleurs, l’entrée des PE au collège d’une part et le continuum bac+ 3, bac-3 d’autre part, sont les possibles prémices d’une scission du second degré, en cohérence avec le projet de réforme de la formation initiale où se superposeraient une entrée à Bac +3 et une autre à bac + 5.

d. Mise sous pression permanente

Faute de prendre ses responsabilités , le gouvernement ne cesse de faire porter sur les épaules des personnels dont ce n’est pas la mission, la réparation de ses propres défaillances : remplacements, harcèlement, orientation, inclusion...ces questions se résoudraient plus facilement avec des personnels nombreux et qualifiés (davantage de TZR, CPE, AED, AESH, PSY-EN, équipes de santé-social etc.). Cette situation est anxiogène pour les personnels qui ne veulent pas abandonner leurs élèves. Avec la réforme du collège Attal, un nouvelle étape vers la mise en concurrence pourrait être franchie avec la mise en place des groupes de niveaux qui, faute de professeur-es en nombre suffisant, pourrait concentrer les groupes existants sur 2 disciplines, et menacer les volumes horaires des autres enseignements.

e. Rémunérations au mérite

Les nouvelles modalités d’accès à la classe exceptionnelle font écho aux discours du ministre de la fonction publique voulant promouvoir le mérite. Le ministère de l’EN, à rebours des engagements pris au printemps 2023 et contre l’avis unanime des représentants des personnels, a supprimé le barème au profit d’un choix par les hiérarchies locales : dés cette année, les chefs d’établissement et les IPR auront donc toute latitude pour formuler un avis « Très favorable« , « Favorable » ou « Défavorable » pour les collègues promouvables. La promotion est pensée comme une « récompense » attribuée de façon discrétionnaire par les chefs d’établissement et les inspecteurs, sur la base d’avis attribués sans critère et qui ne pourront pas être contestés. Comment ne pas y voir une manière, dans l’EN, de faire pression pour prendre des pactes, des HSA, des fonctions de PP etc. .. pour soumettre les personnels aux lubies et hiérarchies locales 

Refuser d’augmenter les salaires de manière substantielle, répond aussi à une volonté de soumettre des salariés en les méprisant, les précarisant et les déqualifiant. Le traitement réservé aux AESH est à cet égard emblématique.

Les personnels non-titulaires enseignants, CPE, Psy-EN continuent d’être rémunérés à un niveau particulièrement bas (indice plancher brut majoré désormais à 371). Leur avancement dans la grille est trop lent (tous les 3 ans) pour espérer sortir de la précarité.

La réforme de la formation initiale envisagée, avec un recrutement à bac+ 2,5 constituerait un recul quant à l’exigence et la maitrise disciplinaire que le Snes-FSU porte et qui est nécessaire à l’exercice de nos métiers, sauf à faire des personnels de simples exécutants. En outre, ce projet menace le 2d degré d’éclatement : jamais le risque, à terme, d’une fusion des corps du 1er degré et des certifié-es n’a été aussi concret avec en perspective l’implosion du statut du 2d degré.
Cette réforme du niveau de recrutement servirait aussi d’argument supplémentaire utilisé par le gouvernement pour refuser une augmentation des salaires.

Un pacte inefficace pour remplacer mais bien utile pour rompre les collectifs de travail et attiser la concurrence entre collègues : si les chiffres académiques annoncés se confirment, 59% des enseignants seraient "volontaires" pour le pacte ... mais qu’entend-t-on par là ? Volontaires pour le RCD ou volontaires pour recevoir des briques de pacte pour des actions qu’ils menaient déjà le plus souvent sans rémunération ? Volontaires quand on sait toutes les pressions ou les libertés prises par certains chefs d’établissement (encouragés par la hiérarchie rectorale) pour caser par tous les moyens leurs "briques". Certains chefs d’établissements sont allés jusqu’à distribuer des pactes pour "récompenser" des personnels, parce qu’ils étaient contents de leur travail. Tout est bon pour faire du chiffre ! Et que penser d’un taux de remplacement à seulement 9% des heures non assurées ... sans parler du contenu des ces heures de remplacement souvent bien éloigné d’un vrai cours. On est très loin des déclarations présidentielles de la fin de l’été... peut être parce que quand il s’agit de RCD, les personnels ne sont pas prêts à assurer des charges de travail supplémentaires surtout dans un cadre déréglementé au local. Les personnels non-titulaires enseignants, CPE, Psy-EN notamment en CDD sont particulièrement touchés par les pressions pour prendre un pacte par exemple ou pour remplacer un collègue lorsque le chef d’établissement est également l’évaluateur de fin d’année et que rentre en jeu le renouvellement ou non.

Action

La CAA de Lille se réjouit que son mandat de faire plusieurs jours de grève dans une même semaine ait fait son chemin ; les objectifs de la consultation auprès des adhérents devront être éclaircis : il s’agirait de se projeter dans un temps long, avec une grève annoncée et préparée plusieurs mois à l’avance afin de faire une campagne audible en raison de la proposition inédite d’une modalité de grève par un syndicat majoritaire et dans une perspective victorieuse, y compris en s’adressant à l’opinion publique, notamment les parents et les élèves. L’utilisation des résultats de cette consultation devra être annoncée afin d’éviter tout malentendu avec les adhérents , à savoir prise de température plutôt que vote ou sondage.

La CAA de Lille demande à ce que la question de la rétroactivité de la prime rep/rep+ pour les AED et les AESH donne lieu à une action nationale :
 se préparer à aller au TA avec l’aide du secteur juridique (note envoyée à tous les S3 pour éviter les erreurs dans les démarches préalables à la requête au TA )
 Prise en charge de dossiers au TA par le secteur juridique
 Demande d’urgence d’une audience au MEN en expliquant que tout est prêt de notre côté pour aller au TA

Pour les, AED la CAA de Lille pense qu’il faut préparer aussi la fin d’année. Les difficultés sur les non renouvellements sont croissantes depuis la CDIsation et il est donc urgent d’armer juridiquement les AED, mais aussi de prévoir quand cela est possible un dispositif pour laccompagner juridiquement les AED dont le non renouvellement ne serait pas conforme et serait connu à la veille des congés d’été.

Une communication spécifique est à amplifier pour pointer les effets délétères au quotidien des différentes réformes Attal, notamment celle du collège, qui conduira à la perte de sens et aux remises en cause de la liberté pédagogique, et des menaces sur le collectif.

Adopté à l’unanimité.