2 janvier 2023

Les articles des Bulletins Académiques

BA329 - Les enjeux de la réforme des retraites 2023

Un projet d’une violence inouïe !

À l’heure où nous écrivons, le gouvernement vient de décaler la présentation du projet de réforme au 10 janvier, plutôt qu’au 15 décembre. Néanmoins le projet présidentiel est connu dans ses grandes lignes. Appelons-le la réforme 3D. D’aucuns diront « Un projet dingue, dégueu et déconnecté de la réalité ! » même si les 3D évoquent les différents paramètres qui seraient modifiés : Départ légal repoussé, Durée de cotisation augmentée, Décote et son âge d’annulation relevé.

Durée légale repoussée
Il s’agirait, si la réforme était approuvée en l’état, d’interdire à chacun.e de pouvoir partir avant l’âge de 65 ans*. L’âge légal actuel de 62 ans serait progressivement relevé à raison de 4 mois par génération, à commencer par la génération 1961. La génération 1969 et les suivantes devront donc attendre 65 ans pour pouvoir prétendre à la retraite. Or, pour les collègues né.es en 1969, la retraite c’est après-demain : ces collègues peuvent partir actuellement en 2031, dans 8 ans. D’un trait de plume, on les obligerait donc à travailler plus d’un tiers de ce qu’il leur reste à effectuer.

Durée de cotisation augmentée
On pourrait se dire, si l’on était animé d’un certain fatalisme, que ce temps supplémentaire contribuerait à se constituer davantage de droits à la retraite en validant davantage de trimestres. C’est la deuxième lame de la réforme car, à ce relèvement de l’âge légal de départ, s’ajouterait une augmentation de la durée de cotisation nécessaire pour atteindre le taux plein. Actuellement la décote est conditionnée à la non-obtention de ce nombre de trimestres, qui dépend de l’année de naissance : 168 trimestres pour la génération 1961 (1re génération touchée par la réforme) et 172 trimestres à partir de la génération 1973, soit 43 annuités. Si cette durée n’est pas atteinte, il y a de la décote. Or cette décote coûte très cher aux futur.e.s pensionné.e.s : 5 % de pension en moins par annuité manquante (à raison d’1,25 % en moins par trimestre). Ce projet consiste donc à nous faire travailler plus sans acquisition de droits supplémentaires pour la retraite.

Décote et âge d’annulation relevé
Dernière lame (au cas où quelques poils rebelles subsisteraient) : la décote étant plafonnée à 20 trimestres (5 annuités manquantes), son maximum est de 25 % à l’âge de 62 ans. Elle s’annule donc à 67 ans. Pour le dire autrement, plus vous décidez de partir tard, moins votre décote maximale est élevée : en décidant aujourd’hui de partir à 65 ans, votre décote maximale est de 10 %, même s’il vous manque encore 5 annuités. Relever l’âge légal, c’est repousser d’autant l’âge d’annulation de la décote, qui atteindrait dès lors 70 ans. Pour reprendre l’exemple précédent, un départ à 65 ans après la réforme, avec un manque de 5 annuités pour atteindre le taux plein, conduirait à une pension diminuée de 25% à cause de la décote.

Violence rarement atteinte dans les projets de réforme passés. Pour le dire crûment : obligation de travailler 3 ans de plus, sans droits à pension supplémentaires, pour perdre autant au niveau de la décote.

*sauf exceptions en cas de carrière longue ou retraite anticipée pour handicap ou invalidité.