Errare humanum est, perseverare rectoratum

Stress, fatigue permanente, absence de temps libre, difficultés de gestion de classe et de prise de recul sur les cours dispensés, pressions du chef d’établissement, déstabilisation dans l’attente de la validation… Le bilan des stages à temps plein est accablant. Une bonne raison de faire encore pire l’an prochain !

L’administration a décidé de soumettre les stagiaires 2011-2012 à encore plus rude épreuve. En plus de leur temps plein, ils auront en effet une formation filée le mercredi ! Le rectorat ignore t-il que des cours se préparent, que la correction de copies nécessite du temps et qu’il faut être en forme quand on est devant les élèves ? Cette mesure va s’appliquer à toutes les académies, même à celles qui avaient tenté d’atténuer les effets de la réforme en proposant, qui, une décharge hebdomadaire, qui, un premier mois en formation avant de prendre en charge les élèves. Seule Besançon « résiste » et maintient une décharge de service de 2h par semaine pour nos jeunes collègues.

Dans leurs réponses à une « enquête bilan » que nous leur avons adressée, les stagiaires condamnent unanimement la formation filée. Celle de 3 semaines est jugée plus intéressante, cependant elle est arrivée trop tard dans l’année (avril), était trop longue, certains indiquant qu’elle est intervenue « au pire moment de l’année » (fin de trimestre, difficulté à reprendre les élèves ensuite, à l’approche de l’inspection), avec comme remplaçants des étudiants admissibles aux concours (formés par les stagiaires eux mêmes !) et dont certains, écœurés, ne passeront pas l’oral. La solution de la rectrice ? Dispenser une formation de 5 jours… en août, mais les stagiaires ne l’étant pas encore officiellement à cette date, la formation ne s’adressera qu’aux volontaires et ne sera évidemment pas rémunérée. C’est oublier que des stagiaires travaillent en attendant que leur soit versé leur premier salaire de fonctionnaire fin septembre, ou que tous ne sont pas de l’académie (faudra-t-il choisir entre s’installer et se former ?). Au moins, les stagiaires seront prévenus : dans l’Éducation Nationale, la formation, c’est sur le temps libre...

Les chiffres officiels font état de seulement 7 démissions (moins qu’en 2010), ils passent sous silence le nombre de stagiaires en arrêt (nombreux à nous contacter à la permanence syndicale). Reste aussi l’inconnue de la titularisation : les stagiaires qui ne seront pas validés ou pour lesquels subsiste un doute passeront fin juin un entretien individuel pendant lequel ils joueront leur année devant un jury. Ils devaient être informés du résultat le 1er juillet, soit après avoir fait passerl e brevet et le bac, pris contact avec l’établissement obtenu au mouvement et/ou préparé un déménagement.
Au final, un bilan peu glorieux et un entêtement commandé par Bercy : ne faut-il pas confirmer les 16 000 suppressions de postes ?

Face à cet entêtement, continuons à résister en refusant d’être tuteurs (texte de la pétition et implantation des postes en ligne). Accueillons nos collègues comme il se doit sans cautionner la dégradation de la formation !


Paroles de stagiaires : pour le meilleur et pour le pire (les citations sont authentiques, les prénoms ont été modifiés)

Des situations très disparates en fonction du type, du classement et de l’éloignement de l’établissement, du nombre de niveaux (2 à 5). Un point commun : la demande d’un retour à un stage à temps partiel.

Marie : « l’année a été éprouvante, avec des moments TRES difficiles (fatigue nerveuse), mais le bilan est positif car je suis sûre d’avoir choisi le bon métier ». « Un conseil aux futurs stagiaires ? Communiquez entre vous ! »

Jeanne  : « année très dure à vivre. Plusieurs fois j’ai envisagé de démissionner. Impression d’avoir perdu tout repère ». « Le fait d’être nouveau et à temps complet nous pousse à faire des erreurs, les élèves finissent par profiter de notre épuisement, et c’est ..... épuisant ! » 

Philippe  : « L’équipe pédagogique a tout fait pour l’année se passe bien. J’aurais aimé avoir plus de disponibilité pour mes élèves. La quantité de travail est clairement trop importante pour avoir ne serait-ce qu’une semaine de recul. »

Pierre  : « mon tuteur me met une pression énorme, ses critiques sont dures à encaisser. »

Lucie : « l’année scolaire s’est passée vite : arrêt pour dépression dès le 1er décembre. Avant cela, je n’ai JAMAIS fait un cours sans prendre de médicaments. Impossible de me faire respecter (collège RAR), les élèves savaient que je n’étais « que » stagiaire. »

Anna : « Très dur au début. Lâchée dans la nature. Des collègues qui n’aident pas forcément au début. Je survivais jusqu’à la Toussaint, où j’ai pu enfin voir la lumière du jour un week-end (j’en fus presque éblouie…). La 1re formation fut trop courte, mais m’a permis de voir les autres stagiaires de ma discipline. Ce qui a fait un bien fou : pouvoir discuter sans préjugés de la situation permet de calmer le jeu. Ensuite, ça c’est bien passé. Bonne intégration avec les collègues, bonne entente avec le principal, et un tuteur qui m’a appris à faire mes propres cours à partir du BO.
De septembre à aujourd’hui, je sens des progrès considérables au niveau de la conception des cours, et de la gestion de classe. Cependant, un gout amer me reste en travers de la gorge sur le mépris de l’administration envers le corps enseignant (en référence à la première période qui était trèèèèès difficile à vivre, des choix des formations pas toujours judicieux, et des mutations). »

Luc : « Avec 2 niveaux, j’ai 18h de cours + 6 heures de formation les mercredis filés, ce qui me fait, par moments des semaines de 24h. Sans compter les 25 à 30 h de préparation de cours que je me farcie chaque semaine ! En tout et pour tout je travaille facilement 50h semaine ! C’est énorme et je suis épuisé ! ». « Mes conseils pour les futurs stagiaires ? Il ne faut pas trinquer personnellement de la politique globale de l’état concernant l’éducation : C’est à dire, ce n’est pas de notre faute si on ne peut pas bien faire notre boulot, si le programme ne sera pas fini, si les élèves sont perdus, si les cours sont bancals de temps en temps, si l’école n’est pas un moteur d’élévation sociale, tant les conditions de travail ne permettent pas de changer même un peu la donne pour des gamins défavorisés »