par Karine Boulonne, Emilie Dooghe, Anne Cordier

L’année 2006 – 2007 a été une année noire pour la documentation

Les recrutements ont été diminués de moitié à la session 2006, rendant encore plus difficile, encore plus exigeant ce jeune concours (le CAPES de documentation a été créé seulement en 1990). Les vacataires et contractuels restés sur le carreau se sont donc résignés à repasser une année sous le signe de la précarité et à faire à nouveau profiter de leurs compétences (reconnues par l’inspection) le grand nombre de CDI restés vides, faute de titulaires.

C’était compter sans le rectorat de Lille qui a imposé à la rentrée 2006 un service en documentation à une quarantaine de TZR d’autres disciplines, bafouant les textes qui prévoient le volontariat pour l’exercice en CDI, privant ces collègues de la perspective d’être appelés pour faire un remplacement dans leur discipline puisqu’ils étaient nommés à l’année, certains ont même été sanctionnés dans leur notation administrative sans que le rectorat y trouve à redire ! Nos collègues non-titulaires ont dû s’inscrire à l’ANPE, des TZR ont déposé un recours au tribunal administratif, les CDI ont fonctionné tant bien que mal avec des enseignants ayant eu pour consigne de simplement ouvrir les centres, ce qui témoigne d’une conception bien étriquée des missions des enseignants documentalistes !

Le SNES a multiplié ses interventions : mobilisation de la profession, stage syndical, audiences, recours juridiques… En juin, un courrier envoyé à certains non-titulaires avait permis d’espérer leur réemploi et la fin de cette situation. Hélas, l’administration persiste dans son autisme : aucune embauche n’a eu lieu à notre connaissance et, dès septembre 2007, nous avons appris qu’une nouvelle vague d’affectations illégales avait eu lieu car la situation s’est encore aggravée avec plus de 60 postes vacants !

Ubu documentaliste ?

Impossible pour un enseignant volontaire, exerçant depuis plusieurs années en CDI, avec un avis favorable de l’inspection, ayant suivi une formation « lourde », d’être titularisé en documentation, l’administration se retranchant derrière l’Inspection Générale qui a à cœur de défendre une profession récente, donc fragile, mais dont le silence devient assourdissant face aux reconversions « sauvages » qui se généralisent dans l’académie de Lille, suite aux restrictions budgétaires. Lors d’une audience au rectorat à la rentrée, nos interlocuteurs se sont même félicités de n’avoir eu à faire pression que sur une vingtaine de TZR cette année, ironisant sur le fait qu’ils avaient peut-être suscité des vocations l’an dernier, puisqu’il y avait moins de refus en 2007 qu’en 2006 !!! Gageons que le tribunal administratif saura donner raison à ceux qui ont résisté l’an dernier ou à ceux qui résistent encore.

Enseignant documentaliste, c’est un métier et le résultat de ces affectations en dépit du bon sens ne se fait pas attendre, comme le montrent ces témoignages : « La situation est de pire en pire dans l’académie. En ce moment (et je constate que je ne suis pas la seule), j’en ai ras le bol ! On se retrouve à former des collègues en difficulté qui sont réorientés vers la documentation, sans être volontaires d’ailleurs ! D’autres de diverses disciplines nommés en CDI m’appellent pour participer aux journées d’animation de district, m’avouent ne rien comprendre au programme prévu. et me demandant qu’on leur apprenne, par exemple, à créer un diaporama ! Me voilà à nouveau obligée d’expliquer que ces journées sont destinées aux professeurs documentalistes et qu’il n’est pas question de former des profs de langues à l’utilisation d’Open Office .... Ce genre de situations ne va pas s’arranger étant donné le nombre de postes restés vacants fin juin et les remplacements à effectuer en cours d’année (congés maladie, maternité, ..) sans qu’il y ait remplaçants dans la discipline ! ». « Il y a dans notre académie une forme de banalisation de la situation en doc : il est maintenant "normal" d’être au CDI sans être prof documentaliste. Une situation défendue par certains, d’ailleurs. Et l’IPR qui nous avoue ne pas savoir quoi faire, sauf proposer aux animateurs-relais, moyennant finance (ah, le bel argument !!), de former tout simplement les "non docs"... Dans notre district, ils sont 7, soit plus de 10 % des établissements. Et évidemment, lors des réunions de district, on nous demande de "clarifier" ce que l’on dit, de faire une formation à BCDI (gestion des prêts, s’entend ...), d’expliquer ce que c’est qu’une progression en 6e en doc ... ... Je ressors des réunions très énervée, parce que la situation est abominable. Et je ne parle pas des mails ou coups de fils que je reçois : "tu cotes comment un roman ?" "Les Geo ADo de plus d’un mois, tu les jettes ou pas ? " ... J’en passe, et des meilleures ... Je tente au quotidien de défendre les compétences professionnelles des documentalistes (…). Mais sans soutien institutionnel, tous nos efforts resteront lettre morte, et il est grand temps que l’institution et l’inspection se positionnent clairement ... »

Devant l’urgence de la situation, devant ce mépris des qualifications, celui de la formation des élèves, le SNES académique donne rendez vous aux enseignants documentalistes et aux non-titulaires de la discipline :

Réunion d’un collectif le mercredi 23 janvier à 14 h 30 (SNES, 209 rue Nationale à Lille)

Stage en présence de représentants nationaux le jeudi 27 mars (Local de la FSU, Halle au Sucre à Lille). La demande de congé pour formation syndicale est à faire par voie hiérarchique un mois avant.