En pleine cacophonie ministérielle (lire l’article « Choc des savoirs », cacophonie du ministère), et avec du retard sur l’échéancier annoncé aux personnels de direction, le décret et les arrêtés publiés diffèrent peu de ceux rejetés par le CSE. L’expression « groupes de niveau » n’y figure plus, mais c’est pourtant la « modalité » de regroupements interclasse qui est retenue dans le texte de l’arrêté, sans aucune ambiguïté.

Des groupes de niveau qui ne disent plus leur nom

Dès la rentrée 2024, selon l’arrêté du 15 mars 2024 modifiant l’arrêté du 19 mai 2015, les élèves de Sixième et de Cinquième devront être regroupé·es, sur tout l’horaire, en français et en mathématiques dans des « groupes […] constitués en fonction des besoins des élèves identifiés par les professeurs. » La généralisation aux élèves de Quatrième et Troisième est prévue pour la rentrée 2025. 

Si la notion de niveau n’apparait plus, le texte explicite plus loin : « Les groupes des élèves les plus en difficulté bénéficient d’effectifs réduits. » 

De plus, le maximum de 15 élèves pour le groupe dit « faible » ne figure pas dans l’arrêté. Comme pour les ULIS et les « CP à  12 », ce seuil ne sera au mieux qu’indicatif dans une note de service, mais jamais garanti !

Les ministres prétendent calmer les résistances en ajoutant à l’arrêté présenté en CSE, la possibilité de rassembler les élèves dans leur classe de référence en mathématiques et français pendant une ou plusieurs périodes, à titre dérogatoire, sans dépasser au total 10 semaines dans l’année.

Mais comment organiser des retrouvailles d’élèves en classe entière s’il y a des groupes surnuméraires ? Quel·les professeur·es pour quelle classe ? Quel enseignement dispenser face à des élèves qui auront vu des méthodes et des éléments du programme différents selon leur groupe ? Quel sort sera réservé aux professeur·es des regroupements surnuméraires sans élèves pendant ces périodes ? Le SNES-FSU rappelle qu’aucun·e chef·fe d’établissement ne peut pourra imposer une annualisation du service de professeur·e : le statut l’interdit.

Comme à chaque réforme néolibérale, l’organisation est renvoyée au local. Derrière la « souplesse » affichée, c’est en fait une dérégulation supplémentaire, chaque établissement pouvant adopter une organisation différente des autres.

 Une exception: la SEGPA

Les élèves de SEGPA restent en classe entière en français et mathématiques mais aucun moyen n’est fléché pour ces élèves qui resteront donc en effectif complet sur l’ensemble du temps horaire.

EMC : quoi de neuf ?

La grille horaire nationale du collège fixée en annexe de l’arrêté est modifiée. L’horaire d’histoire-géographie-EMC comporte désormais la mention « dont 30 minutes d’enseignement moral et civique », ce qui induit une organisation pédagogique hors sol (cf l’article du groupe histoire-géographie du SNES-FSU). Il en va de même de la grille horaire nationale des SEGPA, annexe d’un autre arrêté.

Ces deux grilles horaires se voient dotées d’un nouvel astérisque en pied de colonne : « S’y ajoutent l’engagement et la participation des élèves aux projets d’éducation à la citoyenneté, aux médias et à l’information. Ces projets donnent lieu à des heures d’enseignement dédiées, dans la limite de 18 heures annuelles. »

Voici donc comment se transforme la promesse présidentielle du doublement de l’horaire d’EMC en cycle 4 ! Il s’agira donc d’un pot pourri d’EMC et d’EMI, animé par qui sera motivé pour le faire. Cette place dans la grille indique qu’il n’y aura pas de financement fléché, donc ce sera encore une fois sur la marge d’autonomie de l’établissement, s’il en reste après la mise en place des regroupements de niveau !

Ce dispositif rentrerait en vigueur à la rentrée 2024 pour les Sixièmes, en 2025 pour les Cinquièmes, 2026 pour les Quatrièmes et 2027 pour les Troisièmes.

Quid des LCA ?

L’enseignement de l’option LCA au cycle 4 se ferait « à raison d’au moins une heure hebdomadaire et jusqu’à deux heures en classe de Cinquième et d’au moins deux heures hebdomadaires et jusqu’à trois heures pour les classes de Quatrième et de Troisième ». Avec cette formulation sous forme de fourchette, le ministère affiche vouloir maintenir l’esprit de la circulaire de 2018 sur les langues anciennes. Mais dans un contexte de marge d’autonomie totalement phagocytée par la création des regroupements de niveau, sauvegarder un enseignement de LCA sera plus que jamais un combat pour les collègues.

Fin de l’AP et du soutien-approfondissement : un tour de passe-passe pour faire des économies.

L’heure de soutien/approfondissement en Sixième (financée par l’injustifiable suppression de la technologie en Sixième) disparait purement et simplement de la grille horaire. Les élèves de Sixième n’auront donc plus que 25 heures de cours hebdomadaires. En deux ans, à l’échelle du pays, cela revient à 1 500 équivalents temps plein d’économisé !

L’accompagnement personnalisé (institué par la réforme du collège de 2015) dont certaines équipes s’étaient emparées pour produire des dispositifs pertinents est lui aussi supprimé.

Le PACTE en embuscade !

« Des heures de soutien supplémentaires consacrées à la maîtrise des savoirs fondamentaux », dans la limite de deux heures hebdomadaires, pourront « être proposées aux élèves dont les besoins ont été identifiés ». La formule de l’arrêté, avec l’emploi du verbe « proposer », est ambigüe car elle peut laisser penser que ces heures seraient facultatives pour ces élèves. Mais dans la grille horaire fixant les enseignements obligatoires, ces heures viennent s’ajouter aux autres.

Ces heures sont un moyen de perpétuer une des missions du Pacte qui aurait pu disparaitre avec la suppression du soutien / approfondissement. Sur ces heures de soutien, les professeur·es des écoles signataires d’un PACTE pourront continuer à intervenir en collège, mais cette fois-ci non plus seulement en Sixième mais sur tous les niveaux du collège !

De plus, le Décret n° 2024-228 du 16 mars 2024 portant sur l’accompagnement pédagogique des élèves et le redoublement, prévoit que dans le cadre d’un PPRE un·e élève puisse participer à des « stages de réussite organisés lors des vacances scolaires dans la limite de trois semaines par an ». Certes il est fait mention que cela se fera avec l’accord des responsables légaux de l’élève et sur la base du volontariat, mais il est à parier que les pressions seront nombreuses pour l’ouverture et la généralisation de ces stages, dont l’encadrement constitue une des missions du Pacte.

Les pressions seront d’autant plus importantes que les heures de soutien et les stages de réussite, sont un investissement moindre qu’un redoublement. L’administration les privilégiera. Le décret stipule en effet qu’ « une seule décision de redoublement peut intervenir durant toute la scolarité au collège d’un élève » et que le redoublement, décidé par le ou la chef·fe d’établissement après avis du conseil de classe, vient après un « ensemble des dispositifs d’accompagnement pédagogique ».  

Se mobiliser contre ces textes

Les mobilisations, le vote au CSE, les tribunes et prises de parole démontrent que la profession et la recherche sont quasi-unanimement contre cette réforme. Les parents d’élèves sont aussi de plus en plus nombreux à s’opposer à une organisation en groupes de niveau. 

Alors que le désaccord entre la ministre de l’Éducation Nationale et le Premier ministre est perceptible, il faut plus que jamais une mobilisation massive des personnels pour mettre à bas cette réforme et ses conséquences désastreuses pour les élèves et les personnels. La mobilisation du 19 mars doit être une démonstration de force pour faire reculer le gouvernement.

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